Mac Pro 2023, une déception annoncée, malheureusement confirmée
En début de semaine dernière a eu lieu la WWDC, la grand messe d'Apple. Comme chaque année, c'est l'occasion pour la marque à la pomme de dévoiler une nouvelle version de ses systèmes d'exploitation : macOS, iOS, iPadOS, WatchOS, ... C'est aussi le moment propice pour dévoiler quelques nouvelles machines.
Cette année, nous avons eu le droit à un Macbook Air 15', un nouveau Mac Studio, mais surtout un nouveau Mac Pro. Ce nouveau modèle est le premier Mac Pro à disposer d'une puce Apple Silicon. Et sachant que la transition Intel/ARM a commencé fin 2020, nous étions nombreux à l'attendre.
L'architecture spécifique des puces Apple nous laissait craindre le pire pour une machine ayant besoin d'évoluer comme le Mac Pro. En effet, en groupant les coeurs processeurs et graphique et ajoutant en son sein la mémoire vive et le stockage, la puce principale rassemble les principaux composants d'une machine sans laisser la possibilité de les faire évoluer.
Sur les dernières machines Intel, Apple avait déjà pris cette sale manie, avec les machines ARM, la possibilité de faire évoluer les machines. Le dernier Mac Pro était la dernière machine encore évolutive. Nous avions donc encore le mince espoir que la version ARM du Mac Pro conserve, un minimum une possibilité d'évolution.
Cet espoir s'est donc envolé lors de l'annonce, et définitivement enterré avec la livraison des premières machines cette semaine.
Ce Mac Pro dispose tout de même de 8 ports PCI permettant d'insérer des cartes, mais cela se limite actuellement à des cartes d'encodage vidéo, et dans le meilleur des cas à des cartes d'extension NVME pour ajouter des disques SSD.
Nous sommes bien loins des capacités d'extension des tours G4 (et G5) et des Mac Pro Intel depuis 2006, qui nous ont accompagnés depuis plus de 25 ans. Même le G4 Cube, une machine pourtant compacte, conçue pour être évolutive via ses ports FireWire et USB, permettait le changement de son disque, l'augmentation de sa RAM, le remplacement de sa carte graphique et même l'échange de son processeur !
Et pour ceux qui pensent que faire évoluer un ordinateur est has-been, je suis, en partie, d'accord avec vous. Une bonne partie des utilisateurs préfèrera changer son Mac au bout de quelques années, et cela arrange bien Apple. Malheureusement, nous sommes un certain nombre à ne pas voir son informatique de cette manière. Et pour ma part, je préfère investir un peu plus lors de l'achat de la machine, puis la conservant le plus longtemps possible, la faisant évoluer au fur et à mesure que les besoins grandissent.
Car c'est bien cela le problème, les besoins évoluent, et ils évoluent beaucoup. En 2009, le Mac Pro avec ses 6 Go de RAM, c'était tout simplement le pied, aujourd'hui, 14 ans plus tard, c'est un minimum de 64 Go qui me sont nécessaires. Qui sait de combien de mémoire nous aurons besoin dans 10 ans, pour fonctionner tranquillement ?
Une solution "simple" aurait pu être d'accepter des barettes de mémoire, utilisées en tant que mémoire virtuelle lorsque la RAM intégrée à la puce était saturée. Cette solution, bien moins performante certes, permettrait d'économiser le disque dur en cas d'usage mémoire intensif, de pouvoir conserver une capacité d'évolution en utilisant des composants prévus pour.
La seconde abbération de ce Mac Pro est son tarif, ainsi que le tarif de ses options. Nous sommes habitués de la part d'Apple d'avoir des tarifs élevés, cependant ces dernières années, cela atteint des sommets vertigineux.
Ce Mac Pro est pratiquement 2 fois plus cher qu'un Mac Studio disposant de la même puce, qui lui même est pratiquement 2 fois plus cher que le modèle disposant d'une puce deux fois moins puissante.
Lorsque les premiers démontages d'iPhone, avec chiffrage des composants, j'ai toujours défendu la marque sur la différence obtenue entre le prix des composants et le prix final vendu. Et pourtant aujourd'hui, les tarifs semblent bien délirants, même si l'on prend en compte le marketing, la recherche et développement, le packaging et tous les services associés.
J'ai bien du mal à comprendre qu'est ce qui peut justifier le doublement d'un tarif en passant simplement d'une puce M2 Max à une puce M2 Ultra, qui n'est rien d'autre qu'une puce M2 Max doublée. Pourtant le reste de la machine, lui n'est pas doublé, bien au contraire.
De la même manière, la différence entre un Mac Studio et un Mac Pro n'est désormais plus que sa carlingue, vaut-elle vraiment 4000 € ? 4000 € pour avoir 8 ports PCI à l'utilité discutable et quelques ports supplémentaires en façade, on pourrait vraiment croire qu'Apple ne souhaite pas vendre cette machine...
Heureusement que contrairement au Mac Studio, le Mac Pro est livré avec un clavier et une souris. C'est toujours ça...
Basiquement, le tarif de ce nouveau Mac Pro reste pratiquement identique au tarif du Mac Pro 2019. Or, on sait que les puces Intel XEON sont vendues très chères par le fondeur, et il en va de même pour la carte graphique achetée à AMD au prix fort. Il n'y a plus, non plus de port mémoire, ni de port NVME en interne. Bref, tout cela fait que ce Mac Pro aurait du être plus abordable que le précédent.
Quand on voit l'évolution des tarifs de ces machines, on ne peut rester qu'estomaqué. Il y a 25 ans, le G4 le plus haut de gamme, sans option s'achetait 2500 €. Un Mac Pro 2009 à 2012, toujours haut de gamme et sans option, s'obtenait pour 5000 €. Aujourd'hui, nous sommes à 8300 € pour le modèle le plus bas de gamme. Et dans les deux premiers cas, nous pouvions donc, compléter la configuration dans le temps.
Mais, ce n'est pas le pire, car le tarif des options est encore plus prohibitif. Apple facture 1150 € pour passer de 60 à 76 coeurs graphiques, délirant non ? Quant à la mémoire vive, c'est tout aussi ridicule, avec prêt de 1000 € pour passer de 64Go à 128Go. Alors, certes, on double la RAM, mais j'ai récemment acheté 32 Go de RAM pour mon Mac Pro 2009 pour 60 €, soit 120 € les 64Go, 1/8ème du prix pratiqué par Apple. Et pour passer à 192Go ? Et bien, cela vous sera facturé près de 2000 €.
Quand au disque dur, le tarif va au dela de ce que l'on peut imaginer, et Apple propose cela avec un applomb hors du commun. C'est d'autant plus insensé que le disque dur principal est un composant qui s'use, et qui peut être changé plusieurs fois dans la vie d'un ordinateur.
Et vous voulez savoir le pire ? C'est que si vous avez choisi l'option minimum pour la mémoire vive, et qu'avec le temps vos besoins augmentent. Si votre RAM n'est plus suffisante, macOS va utiliser automatiquement de la mémoire virtuelle sur le disque dur. Le disque va alors s'user encore plus rapidement.
Heureusement, il n'est pas encore contre-indiqué d'installer macOS sur un disque autre que celui présent dans la puce, mais si, techniquement, le Mac sera bien moins performant. Donc, si le disque contenu dans la puce devient inutilisable, il y a toujours une solution annexe.
Et ce n'est pas fini ! Car si l'on veut mettre un disque Time Machine, il faut donc un disque supplémentaire. Et si on souhaite le mettre en interne, comme sur un Mac Pro 2009-2012, il faut acheter un rack en plus, à mettre en interne, 250 € supplémentaire. Ce nouveau Mac Pro ne dispose que de 2 ports SATA interne, donc pour ajouter du stockage en interne pour limiter les cables, il faudra passer par une carte PCI sur laquelle on place des SSD en NVME, comme celle que nous en avions placé dans un Mac Pro 2009. C'est encore 400 € pour la version 4 ports et plus de 800 € pour la version 8 ports, sans compter les SSD à mettre dessus.
Ce Mac Pro sera commercialement un succès, c'est sûr, car c'est une machine Apple, peu de soucis à se faire. Cependant, son absence d'évolutivité, son tarif, et sa proximité technique avec le Mac Studio 2 fois moins cher, risquent de lui faire prendre le même chemin que le Mac Pro 2013. Il risque d'être délaissé au détriment d'autre machine, en se tournant vers un Mac Pro 2019 d'occasion, vers une autre machine de la gamme, un Mac Studio ou un iMac, ou encore vers l'univers PC ou Linux, mais quelque soit la solution, ce sera non sans gâcher son plaisir. Et oui, le Mac pour ceux qui aimaient le Mac il y a 25 ou 30 ans, ceux qui ont supporté cette marque pendant ses années difficiles, c'est malheureusement terminé. Dommage.